Noir et blanc: la danseuse et la ville
Elle est médecin. Elle fait de la recherche contre le cancer. Elle est ballerine aussi. Manou a toujours dansé, depuis toute petite. Après une nuit de garde, avant une journée au labo.
Elle m’impressionne par son énergie insatiable, son intensité rigoureuse, et puis la joie éclatante avec laquelle elle traverse la vie.
Elle avait envie que je la photographie, moi j’avais envie de la photographier. On est parties ensemble en ville, pour une rencontre brève comme quelques mouvements de danse, un premier court moment hors du temps trouvé dans nos agendas toujours trop chargés.
J’avais envie depuis longtemps d’essayer de photographier une ballerine dans la ville, d’essayer de capter les contrastes que cette rencontre provoque. Contraste entre la beauté légère et la structure rigide des batiments, image surprenante de la ballerine hors contexte. Contrastes de corps.. ballerine volant entre les passants qui se déplacent tellement banalement juste en marchant… Qu’est ce qu’on attend pour voler, tous ?
Il y avait des touristes, beaucoup de touristes. J’ai d’abord attendu qu’ils partent pour photographier. Puis j’ai pensé que c’était peut-etre ça, le moment et le contraste qu’il nous était offert de capter. Une touriste absorbée dans la prise en photo de « ce qu’il faut photographier en souvenir de la ville ».. et derrière elle, un moment et une beauté éphémère et unique qu’elle ne verra jamais, trop absorbée dans son devoir de carte postale.
Chargés de nos lourds bagages mentaux, de ce qu’on cherche comme photo, quelle place laisse-t-on à ce qui se produit devant nous (ou derrière nous) dans le réel, dans le présent ?